RYANAIR RATTRAPÉE EN PLEIN VOL PAR LA JUSTICE
«Vols pas chers – billets dès 9,99 euros», le premier contact avec le site de Ryanair en dit long sur le système low cost de la compagnie aérienne irlandaise. Mais
le 2 octobre, le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence l’a condamnée à une amende de 200.000 euros pour avoir enfreint le droit social français à l’aéroport de Marseille. De même qu’à verser
près de 9 millions d’euros de dommages et intérêts aux parties civiles: 4,5 millions aux organismes de Sécurité sociale, 3 millions à la caisse de retraite, 450.000 euros à l’assurance-chômage,
la direction refusant de se soumettre à la législation française en matière de cotisations sociales. «La compagnie a organisé un véritable dumping social», a estimé le tribunal qui a également
ordonné que la décision soit placardée dans l’aéroport de Marignane pendant un mois et qu’elle soit publiée dans quatre journaux.
FO partie civile
Fin 2010, la compagnie avait été mise en examen pour travail dissimulé et emploi illicite de personnels navigants. Depuis son ouverture en 2007 et jusqu’à sa vraie-fausse fermeture début 2011
–malgré un décret de 2006 prévoyant que le Code du travail français s’applique aux entreprises de transport aérien disposant en France d’une base d’exploitation–, Ryanair a employé à Marseille
cent vingt-sept salariés sous contrats irlandais. Argument de l’un de ses avocats: «Ils volent dans des avions irlandais et sont à cheval sur plusieurs pays; ils ne travaillent pas plus en France
qu’ailleurs.»
Comment s’étonner, dans un tel contexte, que l’exercice du droit syndical soit bafoué? Entrave au fonctionnement du comité d’entreprise, aux délégués du personnel, la FEETS –Fédération FO de
l’Équipement, de l’Environnement, des Transports et des Services–, s’est portée partie civile, condamnant par là même un «système low cost, contraire aux intérêts des salariés et au droit
social». Prenant acte du verdict du 3 octobre, Jean Hédou, Secrétaire général de la FEETS, regrette que «le juge n’ait pas suivi les réquisitions du parquet demandant la confiscation, en valeur,
des quatre Boeing 737, alors stationnés à Marignane».
En France, les cotisations sociales atteignent des taux de 40% à 45% pour l’employeur, contre 10,75% en Irlande. Les résultats sont là: avec ses 300 avions, 8.500 salariés et 79,3 millions de
passagers transportés, la compagnie affiche 569 millions d’euros de bénéfices sur l’exercice 2012-2013 et 4,88 milliards de chiffre d’affaires.
Après le jugement d’Aix-en-Provence, celui qui se présente comme le leader européen du transport aérien low cost a annoncé qu’il allait faire appel et saisir la Cour de justice de l’Union
européenne. Pour lui, le décret de 2006 se trouve «en contradiction avec les réglementations européennes». Rien n’est donc terminé et, regrette Jean Hédou, «la plus grosse entreprise low cost va
poursuivre son activité, à travers l’Europe et en France».